Les praticiens et les instructeurs de Watsu proposent parfois une très longue liste des effets (toujours positifs) de leur discipline sur la santé physique et psychique des receveurs. On y trouve pas mal d’exagérations et d’extrapolations, parfois même d’élucubrations.
La nouvelle étude menée, entre autres, par Agnes M. Schitter, est donc bienvenue : « Applications, indications, and effects of passive hydrotherapy WATSU (WaterShiatsu)—A systematic review and meta-analysis ». Présentée au congrès de la World Confederation of Physiotherapy à Cape Town (Afrique du sud), elle a été publiée en mars 2020 par la mégarevue scientifique en ligne PLOS One.
Nombre limité d’études
Un premier constat de l’équipe d’auteurs est que les études scientifiques de qualité sur le Watsu sont relativement peu nombreuses. Une recherche liminaire sur PubMed ne proposait que 5 articles. En élargissant la recherche à 32 bases de données, sans restriction de langue, et à la littérature proposée par des instituts de travail corporel aquatique, Agnes M. Schitter récupère 27 articles soumis à l’évaluation du risque de biais.
Plus de la moitié des articles (14) sont rédigés en portugais, par des auteurs brésiliens, 11 en anglais, plus 1 article en hébreu et 1 en coréen. Du point de vue de l’origine des auteurs, la domination brésilienne est encore plus impressionnante avec 17 articles. La Corée du Sud et la Suisse produisent 2 études chacune (dont une étude clinique conduite par Agnes M. Schitter sur les « Effets de l’hydrothérapie passive [WaterShiatsu] dans le troisième trimestre de grossesse » : Effets du Watsu durant la grossesse). Il existe un seul texte d’origine américaine et aucun rédigé en français ou par des Français.
Débats relatifs aux caractéristiques du Watsu
Je renvoie à l’article les passionnés de questions méthodologiques (évaluation du risque de biais par exemple). De manière plus concrète, le texte aborde la difficulté d’évaluer les effets d’une discipline qui exalte la notion de « flot libre » (free flow), les protocoles servant essentiellement à l’apprentissage. J’ajoute que je ne connais quasiment aucun praticien qui, dans ses séances dites de Watsu, ne mêle pas un peu de Healing Dance, de Jahara, etc. J’en connais même qui font surtout de la Healing Dance ! Est-ce que les effets de ces innombrables variantes sont identiques ?
Une autre question soulevée est celle de la température de l’eau. Pour Harold Dull comme pour WABA, la température optimale est 35°C (95°F), car cela correspond à la neutralité thermique, c'est-à-dire à un niveau de température permettant un séjour d’une heure sans changement de la température corporelle centrale. Mais lorsque la séance dite de Watsu est donnée dans une eau à 30 degrés (25 degrés même dans une des études recensées), est-ce vraiment ou encore du Watsu ? Peut-on recevoir une séance de Watsu en grelottant ? Comment cette condition thermique affecte-t-elle les effets sur le receveur ?
Faiblesse qualitative et quantitative des preuves
Les études analysées, qui concernent toutes les tranches d’âge (de l’enfance à la vieillesse), observent de manière récurrente des effets bénéfiques du Watsu sur la douleur aigüe ou chronique, des gains dans les fonctions physiques (amplitude du mouvement par exemple) ou des bienfaits dans l’ordre psychique (par exemple sur le stress). Mais elles révèlent aussi un manque d’intérêt pour la recherche des effets secondaires, présente dans 6 articles seulement (dont un relevant des effets négatifs). « Il serait essentiel d’explorer les effets secondaires négatifs et les événements indésirables, car l’applicabilité du Watsu dans un cadre médical dépend de cet aspect. »
Au final, « cette revue systématique apporte des preuves très faibles soutenant l’idée que le Watsu a le potentiel d’être une méthode de traitement efficace pour une grande variété de conditions cliniques. Du fait du risque de biais des études disponibles, leurs conclusions doivent être considérées avec précaution. » Selon le système de gradation GRADE, le niveau de qualité global des études scientifiques sur le Watsu va de « bas » (« nous avons une confiance limitée dans l’estimation de l’effet : celle-ci peut être nettement différente du véritable effet ») à « modéré » (« nous avons une confiance modérée dans l’estimation de l’effet : celle-ci est probablement proche du véritable effet, mais il est possible qu’elle soit nettement différente »).
Il faut également noter la faiblesse quantitative de ces 27 études qui ont concerné, au total, 360 participants, dont 268 ont reçu des séances de Watsu.
Pour Agnes M. Schitter et son équipe, le Watsu peut être recommandé avec assurance dans un but de bien-être, mais avec circonspection pour les applications cliniques abordées par les 27 articles.
Objectifs des études futures
Leur méta-analyse vise à préparer des investigations futures pour lesquelles ils proposent deux objectifs :
‒ réassurance de l’information récupérée (par exemple via une vérification qualitative par des experts et des études randomisées contrôlées de bonne qualité méthodologique) ;
‒ étude de la fréquence et de l’importance des effets à court et à long terme du Watsu sur différents sous-groupes (individus en bonne santé, personnes atteintes de diverses pathologies), en fonction de la durée et du protocole des séances comme de la température de l’eau.
Du résultat de ces investigations dépendra la place du Watsu au sein des système de soins.
Philippe Quillien
Dans une thèse de biologie humaine soutenue en 2018 à la faculté de médecine de l’université Louis-et-Maximilien de Munich, Fred Zimmermann présente les résultats d’un programme visant à traiter des soldats allemands souffrant de stress après leur déploiement à l’étranger. Le questionnement portait prioritairement sur l’acceptation de la pleine conscience (minfulness) par les soldats et sur l’efficacité de cette méthode par rapport à l’approche psycho-éducative de gestion du stress mise au point par Gert Kaluza (psychothérapeute allemand spécialisé dans la gestion du stress). Il était également examiné si le Watsu, en tant que traitement d'accompagnement, était bénéfique à l'intérêt des participants, à la fois pour pratiquer la pleine conscience et pour renforcer l'efficacité du programme de formation à cette méthode.
Pour étudier ces questions, 153 patients ont été répartis en deux groupes expérimentaux (EG I, EG II) et un groupe témoin (CG) pendant un séjour de trois semaines dans une clinique. Les sujets de EG I et EG II ont participé à une formation à la pleine conscience, les participants EG II recevant de plus une session de Watsu avant le début et après la fin de ce programme de formation. Les soldats du groupe témoin ont reçu un programme de gestion du stress basé sur l’approche de Gert Kaluza. 23 soldats ont abandonné leur programme avant sa conclusion.
Les résultats établissent que l'entraînement à la pleine conscience avec et sans Watsu est accepté par les soldats dans le cadre d'un programme de rééducation de trois semaines et que cet entraînement semble avoir la même efficacité que le programme de gestion psycho-éducative du stress. En ce qui concerne les séances de Watsu, il est constaté qu’elles ont influencé de manière positive l'intérêt des participants pour pratiquer la pleine conscience sur le long terme, même si l’étude ne montre pas d’augmentation sur l'efficacité de la pratique de la pleine conscience.
Philippe Quillien
Les études cliniques sur les effets thérapeutiques du Watsu® sont encore rares. En ce qui concerne les femmes enceintes, si des études démontrent les effets positifs de la gymnastique aquatique, aucune n’est consacrée à l’hydrothérapie passive. La publication des résultats d’une étude pilote contrôlée sur les « Effets de l’hydrothérapie passive (WaterShiatsu) dans le troisième trimestre de grossesse », à partir de la 34e semaine de gestation, se montre donc doublement remarquable.
Dans le cadre du département d’obstétrique et de gynécologie de l’hôpital universitaire de Berne, deux groupes de femmes ont été constitués. Lors des journées 1 et 4, les femmes du groupe d’intervention ont reçu des séances protocolées de Watsu, accompagnées d’examens par ultrasons avant et après les séances de Watsu. Les séances de Watsu étaient données par quatre praticiens expérimentés de l’association suisse de travail corporel aquatique (NAKA). Les femmes du groupe-contrôle ne recevaient pas de Watsu ni d’autre traitement alternatif dans le cadre de l’étude. Des évaluations prenaient place aux jours 1, 4 et 8.
Principaux bienfaits mesurés et ressentis
Les résultats quantitatifs de l’étude montrent, au sein du groupe d’intervention, une amélioration notable de l’état psychique et une réduction significative du stress ressenti entre le jour 1 et le jour 8. Ils établissent également les effets immédiats des deux séances de Watsu sur le niveau de stress comme de douleur et sur l’humeur des participants.
La réduction du stress maternel est plus précieuse car ce stress peut se transmettre au fœtus et entraîner des changements épigénétiques dont les effets se feront sentir pendant toute une vie. Et la diminution de la douleur, notamment au niveau lombaire, est d’autant plus intéressante qu’il est recommandé d’éviter les analgésiques durant la grossesse.
En ce qui concerne les perceptions subjectives, les 57 commentaires des participantes mentionnent, en plus d’une expérience agréable, une impression générale de relaxation à la fois psychique et physique. Ils évoquent aussi des changements corporels comme une mobilité et une flexibilité retrouvées ou une douleur diminuée. De manière empathique, les mamans détaillent comment cette expérience peut avoir été ressentie par leur bébé.
Nouvelles études en perspectives
S’il faut se réjouir de cette nouvelle étude scientifique sur les effets du Watsu, il convient de souligner deux limites. La première, reconnue par ses auteurs, tient à la taille limitée des deux groupes (9 et 8 femmes) : il s’agit d’une étude pilote annonçant des recherches plus approfondies.
La seconde tient à l’absence d’un troisième groupe composée de femmes enceintes allant passer seules une heure dans l’eau chaude. En effet, des études établissent que la simple immersion dans l’eau chaude réduit la douleur. Cela aurait permis de mieux distinguer ce qui revient au Watsu, à ses étirements, à ses massages, et ce que l’on doit à l’eau chaude.
Commentaires des participantes
« Relaxation totale ! »
« Je pense que mon ventre aussi s’est relaxé. »
« Le bas de mon dos et le côté droit de mon torse sont détendus. »
« Marcher est devenu plus facile. »
« C’est super de se sentir légère et en apesanteur pendant un moment au moins de la grossesse ! »
« Moins de douleur. »
« Libre de toutes pensées et de toutes peurs. »
« Préparation idéale pour la naissance. »
« Après un moment, mon enfant s’est relaxé avec moi. »
« J’ai senti mon enfant beaucoup bouger. »
« Le bébé a aussi beaucoup aimé, il était très calme. »
« Je pense que c’est une bonne manière de se rapprocher de son enfant ─ tous les deux dans l’eau. »
Philippe Quillien
On estime que 20 à 35 % des 2,6 millions de femmes et d’hommes ayant servi en Irak et en Afghanistan sont rentrés aux États-Unis en souffrant de troubles de stress post-traumatique (TSPT). Chaque semaine 1 000 vétérans sont diagnostiqués dans cette catégorie jour et chaque jour 22 se suicident.
À San Diego, où habitent de nombreux militaires, la Wave Academy a mis au point un programme pour soigner ces blessures de guerre au moyen du travail corporel aquatique. Chaque vétéran se voit offrir une séance d’une heure par semaine pendant huit semaines.
Selon une étude menée en partenariat avec un centre de recherche de l’université John Hopkins, les participants font l’expérience d’une diminution de plus de 28 % des symptômes de TSPT, ce qui se traduit par une amélioration de la durée et de la qualité du sommeil, une réduction de la douleur et un plus bas niveau d’anxiété.
Philippe Quillien