Je sais, « la grande famille aquatique » aime les contes de fées, les histoires de sirènes et… les livres de Masaru Emoto.
Le «docteur Emoto» n’est pas docteur mais homme d’affaires
Masaru Emoto (1943-2014) ne reçoit aucune formation scientifique ou médicale. Il étudie les relations internationales à l'université de Yokohama, avant de travailler dans le commerce. En 1986, il crée à Tokyo l’International Health Medical Corporation. Après un séjour aux États-Unis en 1989, il commercialise au Japon la machine à biorésonance cellulaire inventée par Ronald J. Weinstock, qu’il rebaptise Analyseur de résonance magnétique. En 1992, après une année de cours par correspondance auprès d’une université internationale libre située quelque part en Inde, il obtient le titre non officiel de docteur en médecine alternative.
Les «expériences aquatiques» d’Emoto
Masaru Emoto doit principalement sa notoriété et ses succès, éditoriaux et commerciaux, à l’idée de soumettre différents types d’eau à des informations, avant de les congeler puis d’observer au microscope les cristaux de glace fugitivement produits. «De fascinantes différences apparaissent dans les cristaux lorsqu'on met l'eau en présence de mots divers tels que "gratitude" ou "stupide."» (Les Messages cachés de l'eau, Trédaniel, 2004, p. IX) L’eau traitée avec respect ou tendresse produit des cristaux à la structure symétrique et aux formes élégantes, tandis que l’eau soumise à des stimulations négatives donne des cristaux déformés, fragmentés, chaotiques. La conscience humaine aurait donc un impact sur la structure moléculaire de l’eau.
Plusieurs chercheurs ont critiqué le manque de rigueur du protocole expérimental suivi par Emoto. Ainsi, l’expérimentateur ne prend «aucune précaution particulière pour que sa respiration n’atteigne pas le cristal en train de croître», alors même que la moindre variation thermique ou hydrométrique modifie radicalement la forme du cristal (Marc Henry, L’Eau et la physique quantique, Dangles Éditions, 2016, pages 44-45).
Une seule considération suffit à discréditer les expériences aquatiques ou plutôt glaciaires d’Emoto. C’est l’expérimentateur lui-même qui choisit parmi les 50 clichés obtenus (100 pour les prélèvements des premières années), tous différents, celui qui représente le mieux les caractéristiques de l’échantillon analysé. Et, à ma connaissance, Emoto n’a jamais publié les 49 autres clichés des cristaux idiots ou reconnaissants, exposés à Mozart ou au métal, à Hitler ou à mère Térésa, etc.
C’est pourquoi les travaux d’Emoto n’ont été publiés par aucune revue scientifique à comité de lecture. Et, en 2003, leur auteur, Emoto, malgré son sens aiguisé des affaires, ne donne pas suite à la proposition de la James Randi Educational Foundation de lui donner la somme d'un million de dollars s'il reproduit les résultats de ses expériences en respectant les critères de l'expérimentation scientifique.
L’eau préfère la langue japonaise
Pour Emoto, «l'eau comprend les mots». Contrairement aux pauvres humains, elle ne subit pas les barrières de la langue: «elle réagit de manière similaire aux mots étrangers, mais pas de la même façon qu'avec les mots japonais» (L'Eau, mémoire de nos émotions, Trédaniel, 2006, page 24). Si le mot «Merci» engendre, dans toutes les langues, des cristaux complets, ceux-ci ne présentent cependant pas les mêmes qualités esthétiques. Le plus beau, selon les critères suivis par Emoto, est incontestablement celui correspondant à «Arrigato», c'est-à-dire «Merci» dans la langue maternelle de l’expérimentateur. Le «Merci» français ne s’en sort pas trop mal, contrairement à «Thank you». Le cristal le moins bien formé est sans doute le «Kamusamunida» coréen, rien à voir évidemment avec les préjugés linguistiques ou ethniques d’Emoto.
L’eau partage les préjugés musicaux d’Emoto
Comme il le précise, Emoto adore la musique classique. En revanche, il a horreur du rock, particulièrement de ce qu’il appelle le «heavy metal». Pour montrer que «la bonne musique atteint nos cellules», il commence par faire écouter à l’eau «des morceaux de [sa] musique classique préférée» (Mémoire, page 88) : La Symphonie n°40 en sol mineur de Mozart, La Symphonie pastorale de Beethoven, Étude en mi majeur de Chopin… Et il en résulte de beaux cristaux bien formés, aux caractéristiques nettement délimitées. La forme des cristaux se dégrade plus ou moins avec différentes musiques du monde (Messages, pages 112 et suivantes). Enfin, Emoto diffuse un morceau de «heavy metal» dont il ne donne ni le titre ni le groupe, ‒ pas de reproduction ni de vérification possibles donc: cette «musique bruyante, pleine de colère et aux paroles vulgaires», ne produit aucun cristal ou donne «au mieux, des cristaux déformés et décomposés» (Mémoire, pages XXV et 25).
Dans le détail, bien des commentaires de photos sont confondants de conformisme musical ou de drôlerie involontaire. Ainsi les cristaux mozartiens sont «délicats et élégants», ceux de Chopin étonnent «par la finesse de leurs gracieux détails», etc. Mon commentaire préféré accompagne le cristal de l’eau exposée à Heartbreak Hotel d'Elvis Presley qui apparaît «divisé en deux», «comme s'il voulait mimer la chanson».
La purification miraculeuse du plus grand lac japonais
Selon Emoto, les prières des hommes changent également la qualité et la structure de l’eau. Dans plusieurs ouvrages, il détaille les effets de la prière de 350 personnes assemblées près du lac Biwa le 25 juillet 1999: l’eau s’éclaircit sous les yeux des participants, les algues putrides sont chassées, les cristaux déformés deviennent «exceptionnellement beaux»... «L'histoire n'est pas finie», ajoute Emoto. «Dans les jours qui suivirent cette expérimentation, la presse rapporta un incident. Le corps d'une femme fut retrouvé dans le lac et, en entendant parler de l'événement, je me suis rappelé des cristaux formés par l'eau prélevée avant la prière et qui ressemblaient à un visage à l'agonie.» (Messages, page 91)
L’eau terrorisée par le SARS
Une interrogation d’Emoto présente un caractère toujours actuel: «Comment l'eau réagit-elle au SARS ?» Pour répondre, Emoto a collé sur un flacon d'eau une étiquette avec le mot japonais désignant le «syndrome respiratoire aigu sévère». Résultat: «les cristaux obtenus semblaient reculer, comme pris de terreur» (Mémoire, page 134). J’ai examiné attentivement les quatre photos publiées sans réussir à distinguer le moindre mouvement de recul ou signe de terreur. Il est vrai que je manque de compétence au sujet des expressions émotionnelles des cristaux de glace. Et je ne comprends pas pourquoi l’eau serait «terrorisée» par des éléments naturels comme les (corona)virus qui sont inoffensifs pour la plupart des organismes vivants.
Riz-Merci contre riz-Idiot
La photographie de cristaux observés grâce à un microscope électronique cryogénique est complexe. Emoto propose donc une expérience facile consistant à mettre du riz dans deux bocaux en verre et, pendant un mois, à dire «Merci» à un bocal et «Idiot» à l’autre. Comme de bien attendu, le riz-Merci fermente en produisant une agréable odeur de malt, tandis que le riz-Idiot pourrit en virant au noir (Mémoire, page 138). Emoto assure qu’après la publication de son premier ouvrage, « des centaines de familles à travers le Japon » ont répété cette expérience. Bien qu’il ne connaisse ni le nom ni le nombre exact des familles expérimentatrices, il assure que «même les enfants, en rentrant de l'école, allaient prononcer ces mots chaque jour devant les bocaux de riz» et que «tous», sans exception, ont rapporté les mêmes résultats (Messages, pages 64-65).
En Occident, plusieurs (apprentis) chercheurs obtiennent pourtant des résultats contradictoires. Dans un texte du 5 octobre 2014 intitulé «Le flegme troublant du riz thaï», Nicolas Gauvrit restitue l’expérience conduite avec un protocole rigoureux, en aveugle, sur un échantillon de 44 bocaux. Seules 7 paires sur 22 confirment l’hypothèse d’Emoto. «Pour les 15 autres, c’est le bocal "gentil" qui était le plus pourri ! Est-ce que cela prouve que le riz utilisé avait des tendances masochistes ? Pas du tout, car un test statistique (test binomial exact) montre que ce résultat est parfaitement conforme à ce qu’on peut attendre d’un tirage aléatoire. Autrement dit, aucun élément, après cette expérience, ne permet de dire que la pensée positive (ou négative) ait le moindre effet sur le riz.» (https://scilogs.fr/raisonetpsychologie/author/gauvrit/)
Emoto plus fort que Mendeleïev
L’exemple peut-être le plus délirant de divagation dans le domaine scientifique concerne le tableau périodique qui représente tous les éléments chimiques ordonnés par numéro atomique croissant. Ce tableau de Mendeleïev, qui comprenait à l’origine 92 éléments, est régulièrement mis à jour par la communauté scientifique. Dans Les Messages cachés de l’eau, Emoto écrit que «d’après la science, les éléments sont au nombre de 108 ou 111» (page 69), ce qui montre son incompréhension du caractère évolutif du tableau qui comprend 108 en 1984, 111 au début des années 2000, 118 depuis 2016... Cela ne l’empêche pas de «supposer» que le nombre exact est 108. En effet, «selon le bouddhisme, l'être humain naît, porteur des 108 désirs terrestres (tels que le trouble, l'attachement, la jalousie et la vanité) qui nous tourmentent nos vies durant. Pour moi, il est logique d'en tirer la conclusion que ces 108 désirs terrestres ont leur contrepartie dans les 108 éléments.» (page 70)
La « médecine du hado »
Dès les années 1990, Emoto utilise son Analyseur de résonance magnétique au-delà de sa destination originelle ‒ mesurer l’énergie électro-magnétique rebaptisée «hado» ‒ pour «soigner lui-même plusieurs milliers de personnes» (Mémoire, page 36). Après la publication de ses travaux sur l’eau, sa «médecine du hado» consiste à corriger les déséquilibres énergétiques des individus malades en administrant une «eau hado» préparée grâce à son appareil, ce qui peut se faire à distance. Une simple photographie lui suffit pour mesurer le «hado» du malade et «informer» l’eau guérisseuse, qu’il s’agisse d’une jeune femme en cours de chimiothérapie pour un tumeur de la lymphe, d’une fille de 14 ans souffrant d’une leucémie aïgue ou d’un bébé ayant une maladie cardiaque congénitale.
Selon Emoto, l'«eau hado» qu’il a préparée et vendue s’est montrée profitable à tous ces malades qui continuaient par ailleurs à suivre leur traitement médical conventionnel. Comme «le corps humain est, pour l'essentiel, constitué d'eau», «les méthodes qui aident l'eau à couler de façon égale et sans heurts sont supérieures à toutes les autres méthodes médicales qui sont actuellement disponibles» (Messages, page 77). Pourtant, Emoto refuse expressément de donner des informations sur ses appareils de résonance magnétique ou de former de nouvelles personnes pour les utiliser. C’est un peu comme si Fleming avait décidé de garder pour lui et quelques compatriotes l’emploi de la pénicilline.
Le grand bazar aquatique d’Emoto
Emoto a pourtant le sens des affaires. Avec un seul procédé photographique et deux ou trois «idées», il réussit à distiller tellement de livres qu’on se noie dans les titres, les éditions, les traductions: Les messages cachés de l'eau (2004), Le pouvoir guérisseur de l'eau (2005), L'eau, mémoire de nos émotions (2006), L'oracle de l'eau (2006), L'eau et le devenir de la Terre (2006), Aime-toi : Message de l'eau (2007), Regarde en toi : L'eau miroir de l'âme (2007), Les jeux et les joies de l'eau (2007), Le miracle de l'eau (2008), Messages de l'eau et de l'Univers (2013)…
Depuis 2008, l’Office Masaru Emoto vend les « cristaux d’eau » sous forme de cartes, de magnets, de coasters, de stickers, de tee-shirts, de colliers, de pendentifs, de livres pour enfants… Pour 2 000 dollars, on peut même acheter un instrument vibratoire pour faire sa propre «eau hado» afin de corriger son équilibre énergétique et résoudre les problèmes, absolument tous les problèmes: allergie, douleur, perte de cheveux, déséquilibre des hormones ou des chakhras, limitations articulaires, fatigue musculaire, troubles oculaires, problèmes respiratoires ou dermatologiques, désordres digestifs ou nerveux, troubles de l’érection, dépendance au tabac, échec scolaire, difficultés financières ou conjugales… Conçu et fabriqué par «le premier et le meilleur élève de Masaru Emoto», ce Kazutama Mini est destiné aux «personnes qui souhaitent vivre heureux en bonne santé».
Unhappy ending
La médecine du hado n’a pas empêché Emoto de mourir d’une pneumonie à l’âge de 71 ans, ce qui est assez jeune dans un pays où les hommes bénéficient de l’espérance de vie à la naissance la plus élevée des pays de l’OCDE (81,1 ans en 2016). Je sais, ce n’est pas ainsi que devraient finir les contes de fées, les histoires de sirènes ou la vie de Masaru Emoto.
Philippe Quillien
Les bénéfices de la rééducation en piscine pour les animaux humains sont nombreux et bien documentés. À cet égard, il faut regretter que le site d’Amazon s’obstine à proposer des éditions périmées de la « somme » dirigée par Andrew J. Cole et Bruce E. Becker, Comprehensive Aquatic Therapy. Dans sa dernière édition, cet ouvrage de 558 pages comprend un chapitre « Watsu in Aquatic Rehabilitation » rédigé par Peggy Schoedinger, physiothérapeute et instructrice de Watsu.
L’hydrothérapie sert aussi à soigner quelques-uns de nos amis non humains comme les chiens et les chevaux de courses pour lesquels il existe toutes sortes d’appareils : bassins d’eau à niveau ajustable, bains à remous, tapis roulants immergés…
Pour la première fois, la rééducation en piscine vient d’être expérimentée avec une jeune éléphante dans une « clinique » de Chonburi, en Thaïlande. En octobre dernier, cette orpheline de cinq ou six mois serait tombée dans un piège aux abords d'un village. Et il a fallu amputer de 12 centimètres la patte avant gauche de celle qui a été baptisée Fah jam, « Ciel clair », pour lui porter chance.
Afin de permettre à la jeune éléphante de muscler sa patte blessée et de retrouver une capacité à marcher normalement, le vétérinaire Padet Siridumrong a décidé de recourir à l’hydrothérapie. On imagine combien les caractéristiques physiques de l’eau, comme la diminution du facteur de poids grâce à la poussée d’Archimède, peuvent se montrer précieuses pour la rééducation des troubles musculo-squelettiques d’un animal qui pèse déjà plusieurs quintaux (un éléphant d’Asie pèse 120 kilos à la naissance et, à l’âge adulte, 2,75 tonnes en moyenne).
Même si la Thaïlande fut le premier pays à ouvrir une clinique pour les pachydermes, l’accompagnement de Ciel clair dans la piscine paraît assez rustique. Sur la vidéo, on la voit, paniquée, s’agiter dans tous les sens en s’efforçant, avec le soutien de ses « rééducateurs », de maintenir sa trompe au-dessus de la surface. On est loin des très sophistiqués « tapis roulants immergés » dont peuvent bénéficier nos chevaux de courses ! Son vétérinaire reconnaît d’ailleurs que « c'est la deuxième fois qu'elle reçoit ce traitement d'hydrothérapie, elle est encore un peu nerveuse et elle a peur de l'eau ».
On peut aussi penser que la médiatisation de la séance d’hydrothérapie ne favorisait pas l’apaisement de Ciel clair. La médiatisation s’est poursuivie avec un tweet du New York Times :
A 5-month-old
elephant is getting hydrotherapy treatment in Thailand after being rescued from an animal
snare http://nyti.ms/2hX7bcA
Et une fois guérie ? Il est à craindre que Ciel clair, comme nombre de ses congénères, ne soit entraînée à faire le show dans le Nong Nooch Tropical Botanical Garden. Cette attraction touristique située à une vingtaine de kilomètres de Pattaya propose des spectacles de pachydermes aux 5 000 touristes qui s’y pressent chaque jour.
Philippe Quillien
Que l’eau soit près de 800 fois plus dense que l'air n’est pas un scoop : cette donnée se
rencontre dans tous les manuels de physique.
Pour en administrer une preuve… frappante, un physicien norvégien, Andreas Wahl, a
organisé une singulière expérience filmée pour la chaîne de télévision norvégienne NRK1.
En short de bain, il s'est immergé dans une piscine, debout à trois mètres d'un fusil
d'assaut chargé et pointé vers son torse. Après avoir compté jusqu’à trois, il a actionné la gâchette en tirant une cordelette.
À la sortie du canon, la balle possède la même force qu’au-dessus de l’eau. Si elle avait été tirée dans l'air, elle aurait pu atteindre son objectif à 200 mètres de distance. Mais, grâce à la résistance de l’eau, elle est rapidement freinée et, conformément aux prévisions du scientifique, elle tombe avec grâce et mollesse au fond du bassin bien avant d'atteindre sa cible.
Que l’on se rassure : la mécanique des fluides, l’hydrodynamique proposent des
équations sophistiquées et vérifiées pour calculer notamment la résistance à
l’avancement (ou force de traînée hydrodynamique). Comme le rappelle Andreas Wahl, « il est plus dur de créer le mouvement dans l’eau que dans l’air, car les molécules d’eau sont plus étroitement
liées que les molécules d’air ».
Andreas Wahl est coutumier de ces expériences apparemment extrêmes pour illustrer des lois de la physique : pour la même émission de vulgarisation scientifique, il a traversé un brasier après s’être aspergé d’eau ou sauté dans le vide à 13 mètres de haut en étant suspendu à une corde au bout de laquelle était accrochée… une petite boule rose.
Philippe Quillien
Vous vous êtes peut-être un jour demandé pourquoi, après 20 ou 30 minutes dans l’eau, vos doigts devenaient tout fripés. C’est la question très sérieusement étudiée par Tom V. Smulders, professeur à l’Institut de neurosciences de l’université de Newcastle, et son équipe. Et la réponse vient d’être publiée dans la non moins sérieuse revue Biology Letters de la Royal Society of London for the Improvement of Natural Knowledge, équivalent de notre Académie des sciences.
Contrairement à ce qu’ont longtemps cru les biologistes, l’explication n’est pas du tout que l’eau passe sous la peau et la fait gonfler. En fait, il s’agit d’un processus actif commandé par le système nerveux. « Lorsque le corps détecte que les doigts restent mouillés pendant un certain temps, le système nerveux contracte les vaisseaux sanguins sur le bout des doigts. Le volume des doigts se réduit mais, comme la peau garde la même taille, elle se plisse », explique Tom V. Smulders. C’est pourquoi cet effet disparaît lorsque les nerfs dans les doigts sont endommagés.
Dès lors que le système nerveux central et autonome intervient, cela suggère que le plissement possède une fonction spécifique. Les scientifiques de Newcastle ont repris une hypothèse récente de Changizi et ses collèges pour qui ces rides serviraient à améliorer la manipulation d’objet mouillés ou submergés. Pour l’établir, ils ont demandé à des volontaires d’attraper des billes de différentes tailles, d’abord avec les mains sèches, puis avec des mains préalablement plongées durant 30 minutes dans l’eau chaude. Or les cobayes manipulaient plus rapidement les objets lorsque les doigts étaient fripés. « Nous avons démontré que les doigts ridés assurent une meilleure prise des conditions humides ». Tom V. Smulders compare ce phénomène aux sillons creusés sur les pneus de voiture pour leur assurer une plus grande adhérence avec la route.
Selon ce neurobiologiste, il s’agirait d’une adaptation de l’évolution qui aurait aidé nos ancêtres à récolter des végétaux humides ou de la nourriture dans des cours d’eau. Et à se déplacer sur les surfaces humides, car le phénomène se produit également sur les orteils.
On peut bien sûr se demander pourquoi les doigts ne sont pas plissés en permanence. C’est que le plissement a un coût en provoquant une perte de sensibilité, comme peut le ressentir tout praticien ou étudiant de Watsu.
Philippe Quillien